Diferencia entre revisiones de «Le Bateau Ivre»

De Casiopea
(Página nueva: Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentais plus tiré par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de c...)
 
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Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Comme je descendais des Fleuves impassibles,<br>
Je ne me sentais plus tiré par les haleurs :
Je ne me sentais plus tiré par les haleurs :<br>
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles<br>
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.


J'étais insoucieux de tous les équipages,
J'étais insoucieux de tous les équipages,<br>
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.<br>
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages<br>
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.


Dans les clapotements furieux des marées,
Dans les clapotements furieux des marées,<br>
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,<br>
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
Je courus ! Et les Péninsules démarrées<br>
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.


La tempête a béni mes éveils maritimes.
La tempête a béni mes éveils maritimes.<br>
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots<br>
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,<br>
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !


Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,<br>
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
L'eau verte pénétra ma coque de sapin<br>
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Et des taches de vins bleus et des vomissures<br>
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.


Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème<br>
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,<br>
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême<br>
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;


Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires<br>
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,<br>
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,<br>
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !


Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes<br>
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,<br>
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,<br>
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !


J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,<br>
Illuminant de longs figements violets,
Illuminant de longs figements violets,<br>
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Pareils à des acteurs de drames très-antiques<br>
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !


J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,<br>
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,<br>
La circulation des sèves inouïes
La circulation des sèves inouïes<br>
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !


J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries<br>
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,<br>
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Sans songer que les pieds lumineux des Maries<br>
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !


J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides<br>
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux<br>
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides<br>
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !


J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses<br>
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !<br>
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,<br>
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Et les lointains vers les gouffres cataractant !


Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !<br>
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Échouages hideux au fond des golfes bruns<br>
Où les serpents géants dévorés de punaises
Où les serpents géants dévorés de punaises<br>
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !


J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades<br>
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.<br>
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades<br>
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.


Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,<br>
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux<br>
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes<br>
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...


Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Presque île, balottant sur mes bords les querelles<br>
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.<br>
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles<br>
Des noyés descendaient dormir à reculons !
Des noyés descendaient dormir à reculons !


Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,<br>
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,<br>
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses<br>
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;


Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Libre, fumant, monté de brumes violettes,<br>
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur<br>
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,<br>
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;<br>


Qui courais, taché de lunules électriques,
Qui courais, taché de lunules électriques,<br>
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,<br>
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique<br>
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;


Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues<br>
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,<br>
Fileur éternel des immobilités bleues,
Fileur éternel des immobilités bleues,<br>
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !


J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles<br>
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :<br>
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,<br>
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -


Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.<br>
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
Toute lune est atroce et tout soleil amer :<br>
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.<br>
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !<br>


Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache<br>
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé<br>
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche<br>
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Un bateau frêle comme un papillon de mai.


Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,<br>
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,<br>
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,<br>
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Revisión del 20:48 16 ago 2009

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentais plus tiré par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonacees,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.