Diferencia entre revisiones de «Carta a Godofredo Iommi 26 abr. 65»

De Casiopea
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Dijon, 26 avril 1965
Cher Godo
Merci de ta longue terre. Le tremblement de terre, aussi, s’épuise. Encore faut-il avoir l’âme vaste. Il montre que tout doit être refait : c’est au fond lui qui rend tout facile.
La Phalène de Delphes a été moralement un tremblement de terre. Launay, Michel, Edi et Moi, nous avons tous été, chacun à sa façon, emportés dans le chaos. Finalement, tout a <u>éclaté</u>,  mais sans que ce soit une fin véritable.
Michel est complétement <u>anéanti</u> : nous avons vu une partie de la vérité se manifester dans sa cruauté insoutenable, et Launay a été détruit par la vérité.
Edi, en effet, a placé Michel devant le choix réel : la poésie, ou plutôt l’Etat de poète, et la vie coutumière. Ceci, avec sa violence insupportable, violence de bouche tordue, de corps tout entier devenu bouche pour un cri.
Au fond tout vient de ce que <u>sans toi</u> les phalènes ne sont pas <u>rassemblées</u>, dès le départ, par un esprit commun supérieur encore à la poésie. Donc, quand nous sommes partis il y avait un de <u>trop</u>. Granel, qu’aucun de nous n’a su faire entrer dans la phalène : Launay pace qu’il en est impressionné ; Deguy parce qu’il a peur ; Edi ne peut pas le supporter ; Jorge était de plus en plus furieux contre lui ; Tronquoy n’arrivait pas à lui parler ; Moi, de plus en plus exaspéré par lui.
Et pourtant Granel était <u>heureux</u>, comme il ne l’avait pas été, disait-il, depuis 10 ans.
Vraiment tragique.
Launay, qui avait invité Granel – pour se protéger de la Phalène ? – avait toujours recours à lui pour ramener les choses sur un terrain connu.
Nous n’avions fait aucun effort – mais je te jure Godo, c’était impossible. Nous avons tous suivi la pente comme des pierres.
Chez Schlamminger, merveille ! Schlamminger se jette dans le jeu, sur la simple invitation. Tout marche admirablement.
Mais à Delphes ! Par une fatalité où personne n’a bien voulu – c’est un vrai mystère – nous ne sommes que quatre (Edi, Jorge, Tronquoy et moi) à voir le soleil se lever sur le temple. Nous avons été à genoux, en pensant à toi. Les larmes. Launay dormait à l’hôtel, Granel s’était recouché et Michel dormait. Michel a été affecté qu’on ne l’ait pas réveillé. Peut-être effectivement avons-nous commis là une faute. Edi pourra mieux te dire ce qui nous a accablé à Delphes : lui l’Europe, Moi la fascination d’Alexandre devant le nœud gardien.
Couper les racines, sevrer Europe, ne pas regarder en arrière, oublier même ce qu’Apollon a pris sur lui : nous sommes ses fils, non lui même. Rien n’est à recommencer entièrement. Il y a toujours un petit pas qu’il n’est plus besoin de refaire.
Je ne veux pas avoir à comprendre Homère à partir de l’<u>antérieur</u>, mais de ce qui suit.
Cher Godo
Je suis accablé par ce qui est arrivé à Michel. C’était au bord de l’Adriatique. Tout était tendu à l’extrême. On en vient à parler de Breton. Granel et Launay, voyant qu’Edi et moi ne voulons pas exagérer son importance, s’emportent un jeu dans la louange. La colère monte. Puis l’un d’eux lâche à Edi qu’il ne peut saisir cela car il n’est pas français. Edi déplace la conversation sur la <u>poésie</u>, et que là, il sait beaucoup mieux que deux professeurs. Puis il éclate et va chercher Hölderlin, revient, tend <u>Dichtermut</u> à lire à Michel et dit à peu près : quand Michel aura compris ce poème il ne pourra plus se confondre avec deux professeurs.
Tout ceci est très mal raconté. Sur le moment j’étais complétement d’accord avec Edi, sentant l’effort épouvantable, et surtout la vérité sortant par sa bouche.
Maintenant, après avoir vu Michel si accablé, je me demande si on a le <u>droit</u> d’agir ainsi ? Mais Edi a le droit. Seulement, la situation l’autorise-t-elle ?
Godo, je suis à bout. Ecris-nous.
Nous qui avions pris habitude à l’invivable Edi, maintenant qu’il s’en va aussi, qu’allons-nous devenir ?
Abrazos à tous
        Fédier
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Revisión del 21:03 27 dic 2016



TítuloCarta a Godofredo Iommi 26 abr. 65
AutorFrançois Fédier
Páginas3
Imágenes3
Ancho 21,5 cms.
Alto 28 cms.
Fecha1965/04/26
ColecciónCorrespondencia
FondoIommi-Amunátegui
ConjuntoCarpeta Negra
Número de Ingreso007
PDFArchivo:Carta a Godofredo Iommi 26 abr. 65.pdf
Código
IOM-LET-IAM-CNE-CAR-965-007


Dijon, 26 avril 1965

Cher Godo

Merci de ta longue terre. Le tremblement de terre, aussi, s’épuise. Encore faut-il avoir l’âme vaste. Il montre que tout doit être refait : c’est au fond lui qui rend tout facile.

La Phalène de Delphes a été moralement un tremblement de terre. Launay, Michel, Edi et Moi, nous avons tous été, chacun à sa façon, emportés dans le chaos. Finalement, tout a éclaté, mais sans que ce soit une fin véritable.

Michel est complétement anéanti : nous avons vu une partie de la vérité se manifester dans sa cruauté insoutenable, et Launay a été détruit par la vérité.

Edi, en effet, a placé Michel devant le choix réel : la poésie, ou plutôt l’Etat de poète, et la vie coutumière. Ceci, avec sa violence insupportable, violence de bouche tordue, de corps tout entier devenu bouche pour un cri.

Au fond tout vient de ce que sans toi les phalènes ne sont pas rassemblées, dès le départ, par un esprit commun supérieur encore à la poésie. Donc, quand nous sommes partis il y avait un de trop. Granel, qu’aucun de nous n’a su faire entrer dans la phalène : Launay pace qu’il en est impressionné ; Deguy parce qu’il a peur ; Edi ne peut pas le supporter ; Jorge était de plus en plus furieux contre lui ; Tronquoy n’arrivait pas à lui parler ; Moi, de plus en plus exaspéré par lui.

Et pourtant Granel était heureux, comme il ne l’avait pas été, disait-il, depuis 10 ans. Vraiment tragique.

Launay, qui avait invité Granel – pour se protéger de la Phalène ? – avait toujours recours à lui pour ramener les choses sur un terrain connu.

Nous n’avions fait aucun effort – mais je te jure Godo, c’était impossible. Nous avons tous suivi la pente comme des pierres.

Chez Schlamminger, merveille ! Schlamminger se jette dans le jeu, sur la simple invitation. Tout marche admirablement.

Mais à Delphes ! Par une fatalité où personne n’a bien voulu – c’est un vrai mystère – nous ne sommes que quatre (Edi, Jorge, Tronquoy et moi) à voir le soleil se lever sur le temple. Nous avons été à genoux, en pensant à toi. Les larmes. Launay dormait à l’hôtel, Granel s’était recouché et Michel dormait. Michel a été affecté qu’on ne l’ait pas réveillé. Peut-être effectivement avons-nous commis là une faute. Edi pourra mieux te dire ce qui nous a accablé à Delphes : lui l’Europe, Moi la fascination d’Alexandre devant le nœud gardien.

Couper les racines, sevrer Europe, ne pas regarder en arrière, oublier même ce qu’Apollon a pris sur lui : nous sommes ses fils, non lui même. Rien n’est à recommencer entièrement. Il y a toujours un petit pas qu’il n’est plus besoin de refaire.

Je ne veux pas avoir à comprendre Homère à partir de l’antérieur, mais de ce qui suit.

Cher Godo

Je suis accablé par ce qui est arrivé à Michel. C’était au bord de l’Adriatique. Tout était tendu à l’extrême. On en vient à parler de Breton. Granel et Launay, voyant qu’Edi et moi ne voulons pas exagérer son importance, s’emportent un jeu dans la louange. La colère monte. Puis l’un d’eux lâche à Edi qu’il ne peut saisir cela car il n’est pas français. Edi déplace la conversation sur la poésie, et que là, il sait beaucoup mieux que deux professeurs. Puis il éclate et va chercher Hölderlin, revient, tend Dichtermut à lire à Michel et dit à peu près : quand Michel aura compris ce poème il ne pourra plus se confondre avec deux professeurs.

Tout ceci est très mal raconté. Sur le moment j’étais complétement d’accord avec Edi, sentant l’effort épouvantable, et surtout la vérité sortant par sa bouche.

Maintenant, après avoir vu Michel si accablé, je me demande si on a le droit d’agir ainsi ? Mais Edi a le droit. Seulement, la situation l’autorise-t-elle ?

Godo, je suis à bout. Ecris-nous.

Nous qui avions pris habitude à l’invivable Edi, maintenant qu’il s’en va aussi, qu’allons-nous devenir ? Abrazos à tous

        Fédier

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Fondo Iommi-Amunátegui / Carpeta Negra:

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